L'histoire de Diane, par Pascale Wilhelmy
Ce qu’on remarque d’abord chez elle, ce sont ses yeux bleus, profonds, qui racontent plus d’une histoire. Puis, son port de tête, bien droit. Femme de peu de mots, Diane a 71 ans, et une vie pas trop facile, mais elle ne se plaint pas. « Je suis faite forte ! » lance celle qui a connu la Banque alimentaire grâce à une intervenante rencontrée à la bibliothèque municipale. Parce que la bibliothèque, oui, ce sont des livres, mais aussi, c’est l’un des seuls endroits où on peut avoir accès à internet, un luxe qu’on n’arrive pas à se permettre lorsqu’on vit dans la précarité.
L’intervenante, qu’elle croisait à l’occasion, l’a un jour approchée. « T’as l’air d’avoir des problèmes. Ton visage parle beaucoup. » Sur la défensive, Diane lui a répondu que oui, elle en avait des problèmes. « J’en ai plein. Par-dessus la tête. » Puis, les questions ont suivi. Avait-elle besoin de nourriture ? Diane, fière, a répliqué qu’il n’y avait pas grand chose dans le frigidaire mais qu’elle se débrouillait. « Disons que les fins de mois, y’avait plus grand chose dans le frigo. Je pouvais m’acheter juste du baloney et manger ça trois fois par semaine pour le souper » évoque-t-elle.
C’est alors qu’on lui a parlé de la Banque alimentaire Memphrémagog. Même si elle admet avoir été un peu réticente au début, Diane apprécie maintenant l’épicerie qu’on vient lui livrer à sa porte, une fois par mois. « Disons que j’étais gênée dans les premiers temps, mais là, c’est rendu que quand j’en vois d’autres qui ont de la misère, je leur dis de faire application à la BAM. Je me fais des repas, je cuisine. Je ne savais pas que ça existait avant, mais depuis, j’en parle aux gens près de moi. Il n'y a pas de honte à y avoir. » Elle dit avoir été surprise la première fois qu’elle a reçu son panier.
« Je m’attendais pas à ça. Y’avait des fruits, des légumes, de la viande. Ça a bien de l’allure! » C’est un moment qu’elle apprécie. « J’aime ça quand les boîtes arrivent, que je les ouvre et que je vois ce qu’il y a dedans. Je suis toujours curieuse. »
Sans entrer dans les détails, Diane livre un peu de son parcours. « Ma chum me dit que je suis faite forte en tabarouette d’être passée à travers tout ça. » Les embûches ont été nombreuses ces dernières années, puis elle a été confrontée à une réalité tristement trop fréquente. « J’avais un appartement correct, mais qui me coûtait trop cher d’électricité l’hiver, quasiment 600$ par deux mois. J’arrivais pas. J’ai donné ma notice. Le problème c’est que je n’ai pas trouvé de nouveau logement, je me suis ramassée à la rue. » C’est une amie qui l’a hébergée toute une année. La solidarité existe toujours, l’entraide aussi. Aujourd’hui, Diane vit seule dans son appartement, chauffé, abordable, qui lui laisse cependant peu de marge de manœuvre pour tout le reste. Mais le frigo n’est plus vide, et pour la suite, elle le répète. « Je suis bien. Mais faut pas que je fasse de folies ! »