Le long voyage de Théthé, par Pascale Wilhelmy
Théthé fréquente la Banque alimentaire depuis son arrivée au Québec, en décembre 2018. Après avoir cherché - en vain - un appartement abordable à Montréal, la famille décide de s’établir à Magog. Un choix qu’elle ne regrette pas.
Aujourd’hui séparée, mère monoparentale, celle qui a l’air encore toute jeune habite un cinq et demi avec ses cinq enfants et sa petite soeur. « La plus jeune a 3 ans, et ça va jusqu’à 13 ans. » Dans l’appartement, une chambre pour les garçons, une chambre pour les filles, et une pour elle, la cuisine et le salon. Sept dans un endroit où il ne manque pas d’action, de rires maintenant. Les enfants sont heureux, c’est ce qui compte. « Même moi-même je suis bien, mais c’est beaucoup de monde, » dit-elle en souriant, dans un français qu’elle améliore toujours.
La vie de Théthé est un long voyage. Elle a quitté le Congo à l’âge de 30 ans. Pourquoi ? « Parce que c’est impossible de vivre là-bas. C’est mon pays et je l’aime, mais il y a trop de violence. Va sur Google et tape Congo, tu vas comprendre… »
Pour elle et la famille, la vie est beaucoup plus douce ici malgré un budget bien serré et sept bouches à nourrir. « Tout est trop cher. Trop trop cher. Tout a changé, je ne peux plus cuisiner comme avant. » Heureusement - c’est elle qui le dit - elle reçoit un généreux panier d’épicerie que la Banque alimentaire Memphrémagog vient lui livrer deux fois par mois. « Ça m’aide pour plusieurs jours. Et ils pensent à mettre des choses pour les enfants, le lait, les jus, les collations. Mes enfants ne manquent pas à manger. Ils n’ont pas faim à cause de ça. C’est important de bien manger pour aller à l’école, » dit-elle avant d’ajouter qu’ils réussissent très bien. Elle sort de son sac un téléphone d’une autre génération et me montrer des résultats d’examen de sa progéniture, qu’elle a bien pris soin de photographier. Fièrement.
« Tu sais, ils parlent quatre langues. Le français, ils sont meilleurs que moi et les plus vieux, ils me reprennent souvent. Je veux parler aussi bien qu’eux. Ils parlent le lingala (l’une des quatre langues nationales du Congo), le portugais, parce qu’on a vécu trois ans au Brésil avant d’arriver ici, et l’anglais. »
Théthé rêve de retourner aux études, de travailler à l’extérieur. Pour le moment c’est impossible, elle attend toujours des papiers de l’immigration. N’empêche qu’elle n’arrête pas beaucoup, entre les rendez-vous pour les enfants, les repas, et tout ce qu’un parent seul peut faire. Elle rêve aussi de voir ses enfants réussir, ici au Québec où, malgré les difficultés, elle découvre et apprécie la générosité des gens et le pouvoir de l’entraide.